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L’arbre, thème de l’année 2005

Ministère de la culture

mercredi 28 septembre 2005 par

L’arbre dans l’histoire

" De l’arbre de la vie de la Bible à l’arbre du May symbolisant le renouveau, de l’arbre de la connaissance à l’arbre de justice, de l’arbre de Boston à l’arbre de la liberté, associant dans un même symbole l’idée de naissance, de raison et de liberté, l’arbre a toujours été étroitement lié aux croyances et aux espoirs des hommes.

Si on le trouve associé aux grands mythes et aux grands rites de l’humanité, c’est qu’il est perçu comme un être proche et familier, nourricier et protecteur. Il est celui qui offre ses fruits, qui produit le bois indispensable aux multiples besoins des hommes. Enraciné dans le minéral, il est témoin des saisons, du temps qui s’écoule, symbole de la permanence de la vie. Il est celui qui rassure. Comme hors du temps, il est cet être vivant apparemment immobile, s’élevant vers le domaine des nuages, dans un échange entre le sol et le ciel qui a fait de lui le symbole des liens entre le monde d’en bas et le monde d’en haut : l’arbre, soutien de l’univers. (...)

Aujourd’hui, ces symboles ont perdu de leur force. Mais il reste encore, pour nous fasciner, des arbres souverains ; certain plusieurs fois millénaires, d’autres géants enracinés, de dimensions exceptionnelles, ou ceux-là aux formes extraordinaires capables encore d’enflammer les imaginations. Car l’homme garde au creux de sa mémoire les traces, les rites et les croyances passées. Il a su dans certains cas protéger les vestiges de la tradition. Il n’a cessé d’associer l’arbre à son histoire, à sa culture et d’y chercher inspiration, réconfort ou repos." Robert Bourdu, Arbres souverains, 1988.

Arbre témoin de l’histoire

Plantés par des personnages historiques ou témoins de leur repos, les arbres accompagnent l’histoire des hommes. Aujourd’hui encore, la tradition de l’arbre commémoratif conserve sa vitalité. On plante un arbre pour célébrer un événement, un personnage ou un acte politique et en perpétuer le souvenir.

Le cèdre de Marengo

Le parc du château de Malmaison jouit d’une réputation due à son style paysager mais aussi à son histoire. " Royaume " de Joséphine de Beauharnais, il couvre alors 726 ha, dont il ne reste aujourd’hui que 5 ha, connu pour la variété de ses collections de végétaux. Le 14 juin 1800, Napoléon Bonaparte bat les Autrichiens à Marengo, dans le Piémont italien. La bataille de Marengo est la première étape victorieuse d’une entreprise qui durera deux ans. Joséphine, restée à Malmaison, plante un cèdre en apprenant la nouvelle, commémorant ainsi, par ce geste symbolique, la première victoire de Napoléon en tant que Premier Consul.

Le frêne de Vence

L’un des arbres historiques les plus célèbres de France est sans doute le frêne de Vence, dans les Alpes-Maritimes, sur la place du Frêne. Il commémore la signature de la trêve de Nice par François Ier et le pape Paul III, en 1538.

Le chêne de Marie-Antoinette

C’est en 1681 que Le Nôtre plante, dans le parc de Versailles, le chêne qui deviendra celui de Marie-Antoinette. Il était situé près de l’allée de la Reine, entre le Grand Canal et le grand Trianon où Marie-Antoinette logeait quand la famille royale résidait à Versailles. La reine aimait se reposer " sous sa fronde ". Protégé des rigueurs de l’hiver et des chaleurs de l’été par un massif de hauts arbres, il avait échappé au rajeunissement des plantations entrepris par Louis XVI en 1776 et avait atteint la taille respectable de 35 mètres de hauteur et de 5,5 mètres de circonférence. La tempête de décembre 1999 ravage le bosquet. Le chêne résiste mais la canicule estivale de 2003 lui est fatale. Le 9 février 2005, l’arbre de 324 ans est dégagé de sa souche.

Le Pied Cornier - Un arbre refuge

Situé en Champagne-Ardenne, dans la forêt communale de Vosnon, le Pied Cornier est un chêne sessile dont l’âge vénérable inspire le respect. Ses 800 ans d’existence en font un témoin encore vivant de l’histoire locale. Son tronc - d’un diamètre de 185 cm - est creux et peut loger 4 à 5 personnes. On raconte que ce géant de 22 mètres aurait abrité dans son antre des résistants durant la Seconde Guerre mondiale. Les arbres de cette sorte abondent dans les légendes et récits historiques. Poursuivi par les loups, Saint-François de Sales aurait trouvé asile dans le tronc d’un châtaignier de La Chavanne, près de Thonon-les-Bains. C’est dans le chêne de La Motte, à Athis-de-L’Orne, que le Muet, fils de Jean Le Bailly et protestant pourchassé, se réfugia ; il a donné son nom à l’arbre.

Le hêtre de la tour de Grosme - Un arbre témoin du renouveau

En lisière de la forêt des Battées, dans le duché de Bourgogne, sur le domaine de Grosme, furent bâties en 1322 par le seigneur de La Roche-de-Millay et de Grosme " une tour et une forteresse ". Dès 1334, des querelles éclatèrent au sujet de la possession de ce domaine et le château féodal finit par être incendié. Depuis, Grosme n’est plus qu’une ruine. Seul, entouré de ces vieilles pierres, un hêtre s’est installé il y a près de 200 ans. Du haut de ses trente mètres, il domine aujourd’hui ce lieu abandonné et semble veiller sur ces vestiges, derniers témoins d’une histoire ancienne. Le hêtre de la tour de Grosme est classé " arbre remarquable de Bourgogne ".

Arbre, croyances et légendes

L’homme a toujours vénéré le chêne. Représentant du maître des dieux chez les Romains, les Celtes ou les Germains, il était le plus sacré des arbres. " Lorsque, au détour d’un sentier dans la forêt, on se trouve face à un Rouvre plusieurs fois centenaire, on peut comprendre le sentiment qui conduisit les hommes à rendre un culte à ce géant, tant s’imposent sa majesté (...), la force de ses branches noueuses, grosses comme des arbres, la puissance de sa cime. " Jacques Brosse, Les arbres de France, 1995

Le chêne à gui, l’arbre des druides

Pline raconte la cueillette du gui en ces termes : " Les druides n’ont rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, pourvu que ce soit un rouvre. Le rouvre est déjà par lui-même l’arbre qu’ils choisissent pour les bois sacrés, et ils n’accomplissent aucune cérémonie sans son feuillage. (...) On trouve très rarement du gui et, quand on en a découvert, on le cueille en grande pompe religieuse ". Si les druides ont aujourd’hui disparu, les croyances en la valeur du gui de chêne persistent, au-delà des interrogations scientifiques que suscite la rareté du parasite sur cette essence et ses valeurs curatives.

Le chêne de Notre-Dame-de-Viroflay

Sur la commune de Viroflay en Ile-de-France, s’abat en 1859 une grave épidémie de choléra touchant surtout les enfants. On implora la Vierge, l’épidémie cessa. Pour la remercier, le curé instaura un pèlerinage au chêne de Notre-Dame-de-Viroflay où se trouvaient déjà des ex-voto. Une statue fut installée en 1891. Aujourd’hui, le pèlerinage n’a plus lieu mais des pratiques individuelles liées à ce chêne subsistent.

Les chênes de la Vierge

L’origine des croyances et des légendes associées aux chênes de la Vierge semble multiple. Elle trouve souvent sa source dans le sacré, mêlant croyances païennes, superstitions et foi chrétienne. Les chênes accueillant une statuette de la Vierge sont encore nombreux en forêt. Historiquement, le catholicisme mit plusieurs siècles pour supplanter au moins en apparence les cultes païens associés aux arbres.

L’arbre symbole

De l’arbre de Mai à l’arbre de la Liberté

La coutume de May est très ancienne puisqu’on en trouve des traces dès le Moyen-Âge. Elle désigne le droit octroyé de prélever en forêt un jeune arbre pour le planter au retour du printemps devant la demeure d’une personne que l’on veut honorer. Le renouveau de la nature prenant sa pleine expansion en mai, c’est au premier jour de ce mois qu’on associe ce rituel (...). Cet arbre prélevé dans le domaine forestier strictement protégé par les propriétaires seigneuriaux ou monastiques était signe et symbole d’une parcelle de libération. C’est donc tout naturellement que le May (ou Mai) fut baptisé au début de la Révolution française " arbre de la Nation ", " arbre de la Fraternité " ou " arbre de la Liberté ".

La naissance de la municipalité de Saint-Gaudent, près de Civray, est ainsi consacrée dans un cadre paroissial par un arbre planté le 1er mai 1790. Le curé Norbert Pressac de la Charnaye dit aux enfants de la paroisse : " Aux pieds de cet arbre, leur dit-il, vous vous souviendrez que vous êtes Français et, dans votre vieillesse, vous rappellerez à vos enfants l’époque mémorable à laquelle vous l’avez planté. " (Le Moniteur du 25 mai 1790).

On planta surtout des chênes pour la richesse du symbole, des tilleuls et des ormes pour leur rôle convivial et traditionnel, mais aussi des peupliers dont la reprise est aisée et dont le nom évoque le peuple. L’abbé Grégoire insiste dans un rapport à la Convention en 1794 sur l’extraordinaire popularité de ces arbres révolutionnaires : " On vit dans toutes les communes des arbres magnifiques élever leurs têtes et défier les tyrans : le nombre de ces arbres monte à plus de soixante mille car les plus petits hameaux en sont ornés, et beaucoup des grandes communes des départements du Midi en ont presque dans toutes les rues. "

Ces arbres ont rarement survécu aux vicissitudes des régimes. Ce n’est qu’au prix d’un changement de nom ou du remplacement d’un bonnet phrygien par une croix que certains purent traverser les années. Il reste actuellement quelques témoins des premières campagnes de plantation : l’arbre de Gahard, le platane de Bayeux dans le Calvados, le marronnier de Vry en Moselle, le tilleul sur la place de l’église d’Allenwiller dans le Bas-Rhin, ou celui de la place de la Halle à Pérouges, dans l’Ain, ou de Mévoisins, en Eure-et-Loir.

L’arbre de la Mutualité

Le XXe siècle adapte ses valeurs nouvelles à l’héritage symbolique des arbres. En mai 1903, à l’occasion du premier Congrès départemental de la Mutualité, est planté à Montbrison (Loire) le premier arbre de la Mutualité. Le développement du mouvement mutualiste s’accompagne de plantations dans toute la France, en 1904 et surtout en 1905. Mais la diversité des arbres plantés témoigne de l’affaiblissement des symboles.

L’arbre symbole de vie et de mort

L’arbre, la mort et l’éternité forment une trilogie dramatique que chaque civilisation a exprimée à sa manière, selon ses croyances. Pour beaucoup, la vie au-delà de la mort est symbolisée par les arbres des cimetières plantés près des tombes. Jean-Jacques Rousseau souhaita être enterré à Ermenonville auprès de peupliers et Tolstoï entre deux chênes de son village natal près de Tula, au sud de Moscou. Dans les ruines de l’oppidum de Bibracte sur le mont Beuvray, se trouvait un hêtre de dimension exceptionnelle. Il fut abattu en 1969 et les chroniques de l’époque précisent qu’on découvrit dans l’enchevêtrement de ses racines une urne funéraire remplie de cendres humaines datant du temps où ce site jouait un rôle important en Gaule.

Peupliers, chênes et hêtres ne sont pas des arbres familiers des cimetières. Ce sont le plus souvent des cyprès, des ifs et des buis qui en composent le paysage végétal. L’exceptionnelle longévité et le feuillage du buis et de l’if en font des symboles de l’éternité. Bien que ces arbres croissent naturellement dans le Midi de la France, c’est dans les cimetières du Nord de La Loire qu’on les rencontre le plus souvent. Dans la Sarthe, pays de transition, buis et cyprès cohabitent entre les tombes.

L’un des ensembles les plus remarquables d’ifs est constitué par des allées qui mènent au cimetière d’Amboise, en Indre-et-Loire, planté sur un terrain offert en 1775 par le duc de Choiseul qui voulait en être entouré après sa mort. Son corps repose en fait près de Chanteloup.

Arbre et mythologie

Les arbres fruitiers occupent une place particulière dans les mythologies grecque et romaine. Ils possèdent une forte valeur symbolique et sont avant tout des arbres " nourriciers ", producteurs de fruits essentiels à l’alimentation des sociétés anciennes. Il en est ainsi, par exemple, à Athènes de l’olive consommée comme fruit de base ou sous forme d’huile de cuisine, mais qui sert également aux soins du corps et à l’éclairage.

L’olivier et la fondation d’Athènes

Arbre nourricier, il représente la fécondité et la fertilité. Parmi les nombreuses versions du mythe de la fondation d’Athènes, la variante la plus communément reprise est celle de la rivalité d’Athéna et de Poséidon. Toujours à la recherche de nouveaux territoires, le dieu de la mer revendiqua la possession de l’Attique en plantant son trident dans le sol de l’Acropole où se forma aussitôt un puits d’eau salée.

En riposte, la déesse Athéna fit naître près du puits le premier olivier. Le litige fut soumis à un tribunal composé des autres Olympiens qui décrétèrent à une voix près que la déesse Athéna avait plus de droit sur le territoire que Poséidon, puisqu’elle lui avait offert le plus beau présent.

Les oliviers sacrés vénérés à Athènes sont ainsi nommés moria qui signifie " donnés en partage par le destin, par les dieux ".

Le figuier de Mars à l’origine de Rome

Le mythe de la fondation de Rome par Romulus et Remus est bien connu mais on connaît moins le rôle du figuier, " arbre nourricier des fondateurs de l’empire ". C’est à Mars, à l’origine dieu de la nature en fleur, que la plupart des variantes du mythe attribuent la paternité de Romulus et Remus. Le Mars latin présidait à la renaissance printanière de la végétation, celle en particulier des arbres ; le figuier était l’un des deux arbres à lui être associés.

Issus de son union avec Rhéa Silvia la vestale, fille du roi d’Albe déchu, les célèbres jumeaux sont jetés dans le Tibre sur l’ordre du nouveau roi. Les eaux les déposent auprès d’un figuier sauvage devant la grotte de Lupercal où ils sont découverts par la fameuse louve. Une autre version de cette histoire, transmise par Plutarque, octroie directement la paternité de Romulus et Remus au figuier.

Sources

Robert Boudru, Arbres souverains, 1988

Michel Racine, Le guide des jardins de France, 1990

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